Le jeûne hydrique, souvent vanté pour ses « prétendus » bienfaits sur la santé par des naturopathes, suscite depuis un certain temps un intérêt croissant sur les réseaux sociaux comme Tiktok ou Instagram. Cette diète aurait de supposés intérêts thérapeutiques et aussi permettrait de perdre du poids rapidement.

Je sais que la perte de poids peut être un sujet sensible avec certains de nos spécialistes, que l’on entend à toutes les sauces et pour rapidement perdre quelques kilos on pourrait essayer beaucoup de mauvaises choses….Il ya quelques jours j’ai d’ailleurs eu une conversation à ce sujet avec certain(e)s d’entre vous et il me paraissait donc important de l’évoquer de façon plus générale ici.

Regardons ensemble en détail ce qu’est ce régime hydrique et les risques associés à cette pratique dans le contexte des maladies chroniques.

A. Définition

Le jeûne hydrique est une démarche qui consiste à arrêter volontairement de manger pendant un temps donné tout alimentation solide. Durant cette période prédéfinie pouvant aller parfois jusqu’à une semaine, on retire tous les aliments solides de notre alimentation. Il ne doit pas être confondu avec le jeûne intermittent, qui consiste à prolonger la période de jeûne nocturne de quelques heures, pour rester sans manger entre 12 et 16 heures par 24 heures.

Souvent vanté pour ses prétendus bienfaits sur la santé et l’esprit, il suscite un intérêt croissant ces dernières années sur les réseaux sociaux comme Tiktok ou Instagram car beaucoup parlent de perte de poids rapide. Depuis une vingtaine d’années, certains adeptes l’appliquent dans le cadre d’une cure : lors de cette retraite, ces pratiquants qui ont besoin d’une dynamique de groupe pour tenir moralement et physiquement, sont accompagnés et effectuent des activités pour détourner leur attention de la sensation de faim. D’ailleurs, je tiens à rappeler qu’en août 2021, il y eu le décès d’une femme de 44 ans au château de Brou, à Noyant-de-Touraine, lors d’une cure de jeûne hydrique en groupe, ce qui prouve bien qu’il y a de vrai risque avec cette forme de diète si elle n’est pas très encadrée.

De plus en effet, cela peut être inquiétant car pour ceux qui vivent avec une maladie chronique ne savent peut-être pas que cela peut entraîner de vrais risques médicaux.

Regardons cela de plus près ensemble 😉

B. Bienfaits « supposés » du jeûne hydrique

Avant de parler des bienfaits du régime hydrique, je tiens à préciser qu’à ce jour, les études qui s’intéressent au jeûne hydrique en tant que pratique thérapeutique sont encore trop peu nombreuses et leur qualité méthodologique est souvent insuffisante pour que l’on puisse évaluer correctement d’éventuels bénéfices. En effet, ce type d’essais cliniques porte généralement sur des groupes de moins de vingt patients et ne sont ni contrôlés, ni randomisés. En d’autres termes aucune étude médicale fiable n’a prouvé à ce jour qu’il existe de réels bienfaits sur ce type de diète et d’autant plus lorsqu’on est atteint d’une maladie chronique.

1. Detoxification de l’organisme

Selon les naturopathes, le jeûne hydrique représente la méthode optimale pour éliminer les toxines qui s’accumulent dans le corps, telles que les polluants atmosphériques, les contaminants alimentaires comme les résidus de pesticides ou les dérivés d’additifs alimentaires…. En allégeant la digestion et le travail métabolique qui en découle (c’est-à-dire la transformation ou le stockage des nutriments ingérés), l’organisme pourrait ainsi se concentrer sur l’élimination des déchets. Néanmoins, cette théorie est remise en question par les chercheurs de l’Inserm qui soutiennent que les cures détox (y compris le jeûne) sont sans effet.

2. Perte de poids rapide

Deux études* montrent que les personnes qui font un jeûne hydrique perdent plus de masse maigre que de masse grasse : deux tiers pour un tiers respectivement.

Pour rappel, la masse maigre comprend les os, muscles, organes et tissus du corps et il convient de la préserver, dans le cadre d’une perte de poids, pour stimuler son métabolisme. La masse grasse exprime quant à elle la masse grasse totale sachant qu’une grande partie de celle-ci peut être dangereuse pour la santé. Or, le phénomène inverse se produit lorsqu’une perte de poids est réalisée progressivement sous le contrôle d’un professionnel de santé : le but est de perdre plus de graisse que de muscle. Ce qui prouve bien que ce n’est pas adapté.

* Etude publiée dans la revue Nutrition Reviews par des chercheurs de l’Université de Chicago

3. Peut favoriser l’autophagie

L’autophagie est un processus au cours duquel les vieilles parties de vos cellules sont décomposées et recyclées.

On sait depuis peu que nos cellules sont capables de régénérer leurs parties abîmées ou usées par le temps. Notre corps entier peut bénéficier de ce « rajeunissement cellulaire ». Le jeûne favoriserait donc les phénomènes d’autophagie qui permettent la régénération cellulaire, évitent d’accélérer le vieillissement, et certains phénomènes d’oxydation. Le jeûne peut ainsi être considéré comme une technique anti-âge. Mais ces etudes sont encore aujourd’hui au stade animal.

4. Peut aider à réduire la tension artérielle

Des recherches montrent que des jeûnes hydriques plus longs et médicalement supervisés peuvent aider les personnes souffrant d’hypertension artérielle à réduire leur tension artérielle. Une étude menée auprès de 48 personnes souffrant de surpoids ou d’obésité a révélé que le jeûne hydrique d’une durée moyenne de 17 jours sous surveillance médicale entraînait une réduction de la pression artérielle systolique. De même, une autre review a conclu que le jeûne hydrique pouvait réduire de manière significative les niveaux de pression artérielle.

Mais encore une fois il n’y a pas assez d’études médicales attestant de ces faits

C. Les risques du jeûne hydrique chez les malades chroniques

Bien que le jeûne hydrique puisse « présenter » certains avantages, il s’accompagne de risques importants pour la santé. Voici quelques dangers et risques :

1. Stress sur le système immunitaire

Le jeûne hydrique peut exercer un stress supplémentaire sur le système immunitaire déjà affaibli chez les personnes atteintes de maladies chroniques.Ce système immunitaire joue un rôle clé dans la régulation et la réponse aux infections et à l’inflammation chronique.

Au départ d’un jeûne, il est possible que les premiers effets soient un mieux-être ressenti. Le corps est mis en état de stress et provoque donc une impression de bien-être liée à une sécrétion accrue de cortisol et de sérotonine (substances naturellement présentes dans l’organisme agissant sur le stress). Mais, la persistance de cet état dans le temps n’a su être démontrée par aucune médicale. En outre, cette euphorie masque des conséquences plus négatives comme la possibilité d’éprouver des maux de tête, des nausées, des vertiges ainsi qu’une grande fatigue. De plus la perte de masse musculaire et des carences vitaminiques ainsi qu’une dénutrition peuvent s’installer. On peut, à terme, craindre des dérèglements métaboliques et hormonaux. Et tout cela peut compromettre la capacité du corps à faire face aux infections et autres défis immunitaires, augmentant ainsi les risques pour la santé.

2. Effet sur la gestion de la douleur

Certaines maladies chroniques s’accompagnent de douleurs chroniques. Le jeûne hydrique peut influencer la perception de la douleur, entraînant une détérioration de la qualité de vie pour ceux qui luttent déjà contre des symptômes douloureux au quotidien.

Deux exemple sur la douleur :

• Le jeûne est censé fonctionner en forçant le corps à utiliser les réserves de graisse plutôt que les sucres pour l’énergie. Cependant, cela peut entraîner une perte de muscle et d’autres tissus, ainsi qu’une perturbation des niveaux d’insuline et de glucose dans le sang, ce qui est particulièrement préoccupant pour les personnes atteintes de maladies chroniques inflammatoires qui peuvent déjà avoir des niveaux d’insuline et de glucose perturbés et accentuer la fatigue et diminuer la force…
• Le jeûne peut également augmenter le stress oxydatif, qui est un déséquilibre entre les antioxydants et les radicaux libres dans le corps. Le stress oxydatif est connu pour être impliqué dans le développement des maladies inflammatoires chroniques, il est donc important de minimiser son impact autant que possible.

3. Double effet négatif par la perte du poids

Le Dr Bruno Raynard, chef du service de diététique et de nutrition au centre Gustave Roussy de Villejuif, explique qu’une personne en bonne santé peut tout à fait supporter un jeûne. «En revanche, une personne affaiblie ou malade a des capacités de jeûne extrêmement restreintes, avec un fort risque de dénutrition. Toutes les études, et ce même si elles sont de faible qualité, car il est méthodologiquement très difficile d’étudier le jeûne, constatent davantage d’effets négatifs que de bénéfices. Et, en tout cas, on n’a jamais mis en évidence d’effets positifs en matière thérapeutique.» Comme un jeûne hydrique restreint les calories, vous perdrez probablement beaucoup de poids rapidement. Malheureusement, une grande partie du poids que vous perdez au début peut provenir de l’eau, des glucides et même d’une petite quantité de masse musculaire.

D’autre part, cette dénutrition tend à diminuer l’efficacité et la tolérance des traitements. Ainsi, à maladie égale, une personne dénutrie aura une mortalité supérieure à celle d’une personne qui ne l’est pas. Et ce n’est pas ke moment de perdre l’efficacité de nos traitements…

4. Risque de déshydratation

Cela peut paraître étrange, un jeûne hydrique peut vous déshydrater. En effet, environ 20 à 30% de notre apport quotidien en eau provient des aliments que nous consommons. Si vous buvez la même quantité d’eau mais que vous ne consommez pas d’aliment, il se peut que vous ne consommiez pas assez d’eau.

Les symptômes de la déshydratation comprennent les étourdissements, les nausées, les maux de tête, la constipation, l’hypotension artérielle et la baisse de productivité. Pour éviter la déshydratation, vous devrez peut-être boire plus que d’habitude.

En conclusion, bien que le jeûne hydrique puisse vous sembler bénéfique pour la santé, il peut comporter des risques importants non négligeables pour les personnes atteintes de maladies chroniques inflammatoires comme la maladie de Verneuil ou la maladie de Crohn ou encore des maladies rhumatoïdes.

Quoi qu’il arrive, il est important de consulter un professionnel de la santé avant de commencer toute nouvelle thérapie ou pratique, y compris le jeûne, et de maintenir une alimentation saine et équilibrée pour soutenir la santé dans le cadre d’une maladie chronique inflammatoire. Et vous vous connaissiez ce type de jeûne ?